FLAMENCO
Si nous pensons “Espagne” nous visualisons immédiatement tout un cheptel de lieux communs répétitifs et usés: la paëlla, les corridas et… le flamenco. Mais recevons-nous dans notre cher hexagone l’information nécessaire et réelle, hors clichés, de la réalité espagnole?
Non, loin s’en faut, et l’exemple le plus flagrant est celui du Flamenco. Les français aiment le flamenco et ressentent l’émotion que transmet cet art. La plupart des touristes français qui visitent la péninsule ibérique assistent à un spectacle de flamenco à un moment ou un autre.
Soit, mais connaissons-nous réellement la réalité du flamenco? Alors bien sûr nous pourrions reprendre cette belle définition issue directement de la web du Teatro Flamenco de Madrid:
El flamenco es un sentimiento del alma que se baila, se canta y se toca.
Le flamenco est un sentiment de l’âme qui se danse, qui se chante et qui se joue.
ORIGINES ET HISTOIRE DU FLAMENCO
Comment une danse populaire qui paraissait destinée au seul monde gitan est devenue un Art reconnu comme Patrimoine Culturel Immatériel de l’Humanité selon l’UNESCO?
Certains auteurs situent l’origine de la danse flamenco dans l’Antiquité, et plus concrètement dans les danses sensuelles des “puellae gaditanae” (donc de Cadix) au son des crotales dont parle l’historien romain Martial.
Mais peut-être est-ce là exagérer l’antiquité d’un art tellement imbu de la culture d’un peuple, les gitans, qui n’apparaissent en Espagne qu’au XIV-XVº siécle…
Quoi qu’il en soit, le flamenco tel que nous le connaissons aujourd’hui est documenté depuis le début du XIXº siècle, et il ne cesse d’évoluer.
La régulation formelle du flamenco apparaît au XVIIIº siècle à travers de l’école bolera, qui récupère les danses populaires telles que “panaderos”, «zapateados», «oles», «boleros», «seguidillas», «fandangos», «jaleos de Jerez», «malagueñas», le «vito» ou encore la «cachucha».
Mosaïque du IIIº siécle découvert à Aventino représentant une danseuse jouant des castagnettes.
Toutes ces danses populaires se mélangent au flamenco et en feront une danse et à posteriori un art complet, comprenant danse, chant et accompagnement musical.
Les voyageurs du XIXº siécle décrivirent, parfois dans les moindres détails, ces chants et danses du peuple andalou.
Le malagais Sérafin Estebanez en 1831 donnait une image précise d’une fête flamenca dans un patio du quartier de Triana de Séville, l’un des hauts-lieux du Flamenco, avec Cadix, Jerez de la Frontera, Granada, toute l’Andalousie finalement.
Le voyageur français Charles Davillier detaille les danses auxquelles il asiste, et Gustave Doré les dessine. (voir illustration ci-contre).
C’est au début du XIXº siècle que toutes ces modalités artistiques commencent à être connues sous le nom de flamenco.
L’origine de ce mot est un mystère, certains auteurs lui voient des origines arabes, d’autres parlent d’un couteau ainsi appelé, et beaucoup citent le mot flamenco comme désignant le gitan fanfaron, orgueilleux et fier, vu par un “payo” (non gitan). Mystère…
En 1860 apparaît sur la scène Silverio Franconetti, cantaor professionnel sévillan qui donne au chant flamenco ses premières lettres de noblesse, au-delà du simple accompagnement de la danse.
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Vers la même époque Manuel de la Barrera ouvrait les répétitions de son salon de danse aux hôtels sévillans et au public en général, les académies faisant alors office de salle de spectacle.
À cela s’ajoute l’ouverture de cafés chantants à Séville (Café de Burrero, los Lombardos) où le flamenco connaitra son premier âge d’or, avec des artistes reconnus et les premières figures mythiques: La Macarrona, Malena, Rosario la Mejorana, Concha la Carbonera, las hermanas Antúnez, las Coquineras, La Cuenca, Enriqueta la Macaca, Rita Ortega, Salú la Hija del Ciego, Miracielos, Mojigongo, Lamparilla, Antonio el de Bilbao, Estampío… étaient quelques-unes de ces “stars” du flamenco que le public vénérait.
Silverio Franconetti, inventeur du flamenco moderne
Au debut du XXº siècle se produit un déclin important des cafés chantants, et le flamenco recule dans les académies de danse.
Mais c’est alors que certains théatres programment des spectacles flamencos. Antonia Mercé “la Argentina” chorégraphie des musiques classiques d’Albéniz, Enrique Granados et Manuel de Falla, et crée de grands spectacles flamencos qui remplissent les théâtres, tant en Espagne qu’en Amérique.
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La suivront de grandes bailaoras telles que La Argentinita, Laura de Santelmo, Pastora Imperio, Carmen Amaya parmi les principales.
L’internationalisation du flamenco était inévitable et malgré la guerre civile (1936-1939) la progression hors des frontières espagnoles continua.
La Macarrona offrait un spectacle flamenco à Berlin en 1895, La Argentinita avait parcouru en 1914 la France, la Grande Bretagne, la Russie. Felix el Loco représentait son spectacle à Londres en 1915.
Selon l’historien José Luis Ortiz c’est à parís en 1879 que commença réellement l’internationalisation du flamenco: “Ce fut à l’hippodrome de Paris où se celebra une Fête espagnole destinée à reunir des fonds au bénéfice des pauvres de Murcie et d’Alméria qui avaient souffert de graves inondations que se representa pour la première fois le flamenco hors d’Espagne.”
Café chantant de Burreros à séville, début du XXº siécle
Film français sur «la Argentinita» 1935
LES TECHNIQUES DU GENRE MUSICAL
Aujourd’hui le flamenco s’écoute, se danse, se chante et s’étudie dans le monde entier. Certains pays tels que le Japón ou les USA vivent une véritable fièvre du flamenco, demandent et créent de grands spectacles. Les tablaos se multiplient dans le monde.
Le flamenco est un genre musical très complexe, pour tout dire compliqué, et comprend plusieurs styles et sous-genres bien différenciés.
Ces styles sont dénominés “palos”. Il en existe plus de cent. Chaque style est un “palo”. Ils sont tous différents mais se regroupent en familles. Il vous faudra un peu de temps pour apprendre à les distinguer mais sachez d’ores et déjà que les plus utilisés de nos jours sont: la soleá, la seguiriya, la alegría, la bulería, le fandango, la sévillane, le tiento et le tango (ne pas confondre avec le tango argentin s’il vous plait…).
Certains “palos” sont joyeux, rythmiques, invitent à la participation: la bulería, la sévillane, la alegría. D’autres sont plus solemnes, plus profonds et doivent se contempler en silence: les soleás, les seguiriyas qui se chantent, les tangos. N’essayez pas de les reconnaitre au premier compas, les experts ne se mettent parfois pas d’accord sur le même morceau.
José Mercé: Bulería
LE «CUADRO» FLAMENCO
Cuadro flamenco au tablao Cardamomo à Madrid
Essayez ce schéma basique de palmas por bulerías
Les danseurs ou danseuses sont généralement le clou du spectacle, surtout pour les non-initiés entre lesquels vous ne compterez plus après votre visite à Madrid…
Ils sont appelés “bailaores” et “bailaoras”. Ils étaient aux origines généralement gitans et apprenaient leur art par transmisión directe dans les patios andalous. Ils sont aujourd’hui formés dans les académies de flamenco du monde entier, et peuvent être d’origines très diverses.
Mais le spectacle comprend d’autres participants, qui forment entre tous le “cuadro flamenco”.
Les instrumentistes tout d’abord. Traditionnellement le guitariste accompagne et rythme la danse flamenca. Il a sa place dans le “cuadro flamenco” généralement au milieu des musiciens, accompagné par le ou la cantaor ou cantaora.
Le guitariste peut proposer des pièces en solitaire, et cela se fait toujours, ou presque, dans tous les tablaos.
On trouve dernièrement des instruments différents, le violon, le triangle, les guitares électriques, dans un cuadro flamenco.
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Viennent ensuite les “cantaores” ou “cantaoras”. Ils sont un des piliers du flamenco. Certains spectacles se limitent même au “cante de alante”, modalité de flamenco dans laquelle un chanteur ou chanteuse est seul, voire accompagné d’une guitare, face au public. Ce sont généralement des flamencos plus profonds, plus hermétiques même, que ceux offerts par les “cuadros” traditionnels.
Les “palmeros” battent des mains pour compléter le “cuadro”. Essayez de suivre le rythme et vous comprendrez la difficulté de cet art appelé “palmeo”. L’habilité des palmeros est indispensable à l’harmonie du spectacle. Il existe plusieurs types de palmas: les simples et les “redoblás” aussi appelées “encontrás”, et elles s’utilisent selon le “palo” qu’elles accompagnent.
Les “simples” se divisent en sourdes et en sonores. Les sourdes se réalisent en formant un creux dans la main qui étouffe le claquement des mains lorsqu’il convient de laisser la place au cantaor ou à la guitare, alors que les sonores (aussi appelées sèches, fortes, aigües ou naturelles) rythment les «palos» les plus festifs.
Enfin les palmas «redoblás» ou «encontrás» marquent le contretemps et donnent au flamenco cette profondeur rythmique qui remue l’âme du spectateur, averti ou non.
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