LE FINO SEGUNTINO
Un cocktail rafraîchissant que vous ne trouverez qu’à Sigüenza: le Fino seguntino
16 Août 1947, fête de Saint Roc, sous un soleil accablant, la tension se palpe sur la grand place de Sigüenza: le torero amateur Paco Berlanga, surnommé «el Fino» pour la sveltesse de sa silhouette, affronte un jeune taureau particulièrement dangereux. L’animal est astucieux, et paraît deviner les pas de danse qui permettront à l’homme, armé seulement de son «capote», d’éviter les «pitons» aiguisés, les cornes de la bête.
Finalement, sur une dernière feinte, le torero sort victorieux de ce duel à mort.
Le public seguntino éclate en une ovation bien méritée. El Fino salue l’assistance, et se retire la tête haute. Sa fierté n’a d’égale que sa soif. Il fait signe à ses assistants, dont la légende a oublié les noms, et les invite d’un geste à le rejoindre à la terrasse du café Casa Anguita, renommé dans toute la région.
Les hommes s’assoient autour d’un guéridon, à l’ombre d’un peuplier centenaire.
– J’en connais un qui a eu chaud! plaisante l’un des assistants, en indiquant du regard Paco Berlanga en sueur.
Tous les hommes éclatent de rire. L’un d’eux hêle le garçon:
-Boni, haz el favor, algo refrescante para el Fino! («Boni, s’il te plait, un rafraichissement pour El Fino!»)
Boni Anguita est le fils du maÎtre des lieux. À ses dix-neuf ans il est déjà un expert garçon de café.
– Ça marche!
Il court au comptoir, et reste pensif: qu’y a-t-il de plus rafraichissant qu’une bonne limonade?
Il choisit la bouteille de «Segontia» reconnue comme la meilleure limonade du monde par les natifs de Sigûenza, et sert quatre verres, mais s’arrête tout à coup: il faut relever un peu le goût de cette boisson. La limonade c’est bien, mais ce n’est pas une boisson de torero. Boni Anguita hésite: un peu de bière pour faire un panaché, ou un peu de muscat rouge de Reus, pour donner de la couleur. Et tout à coup lui vient l’inspiration, qui sait si de Saint Roc lui-même: une part de muscat de Reus, et le tout couronné de mousse de bière bien fraîche.
Joyeux, il présente son plateau de quatre verres à ras-bord devant les hommes assoifés, servant d’abord le torero, qui goûte au breuvage inconnu, claquant sa langue sur le palais pour mieux le déguster, et demande, intrigué :
– Boni, que nous as-tu servi là? C’est fameux !
Boni Anguita n’écoute alors que son inspiration et répond:
– ¡Esto es un Fino Seguntino, Maestro! («Ceci est un Fino Seguntino, maître!»)
– Otra ronda de este Fino seguntino, Boni! («Une autre tournée de ce Fino seguntino, Boni!»)
La légende était née…
Vous ne pouvez, vous ne devez pas quitter Sigûenza sans goîuter au Fino Seguntino. Il vous sera servi accompagné d’un «perdigacho», une tapa locale.
Et vous nous en direz des nouvelles…